Le
choléra des
barbeaux
Plan
de la présentation
Cas clinique
Intoxication par
les poissons Européens
- Ichtyosarcotoxisme histaminique
- Ichtyosarcotoxisme mullidae
- Ichtyohémotoxisme
- Ichtyootoxisme
Intoxication par les poissons tropicaux
- Ichtyosarcotoxisme de type
ciguatera
- Ichtyosarcotoxisme de type tetrodon
- Ichtyosarcotoxisme de type clupeidae
- Ichtyosarcotoxisme de type sélacien
Conduite à tenir
devant une intoxication aux poissons
- Symptomatologie
- Traitement
Bibliographie
Cas
clinique
Le 29/04/2008 à 04h40 arrivée aux urgences de trois
personnes de la même famille amenées par les pompiers qui
présentent une diarrhée acqueuse incoercible, des vomissements, des
nausées et une grande apathie
- Une Homme de 45 ans
- Une femme de 44 ans
- Une jeune femme de
21
ans
Anamnèse :
Devant la similitude des symptômes présentés avec
une chronologie identique on s’oriente naturellement vers une
toxi-infection
alimentaire.
Début des symptômes : 4 heures après le souper,
avec la notion d’ingestion d’une soupe de champignons et d’oeufs de
poisson au repas du soir
La soupe de champignons
(de
la forêt offerts par voisin)
ayant été consommée les deux jours
précédents sans qu’aucune symptomatologie
particulière n’ait été signalée
jusqu’alors, on peut évoquer un
syndrome digestif d’une
intoxication phalloïdienne
(6h)ou bien un syndrome
orellanien (survenant entre 3 à 17 jours après
ingestion).
Conduite
à tenir
Le bilan biologique réalisé aux urgences ne montrant
ni insuffisance hépatique ni insuffisance rénale
On s’oriente donc vers les oeufs de poissons comme facteur
causal, il s’agit d’oeufs de barbeau pêché
dans le Tarn par un voisin, qui
ont été sommairement poêlés avant d’être ingérés.
Une hospitalisation est décidée pour surveillance
des fonctions hépatiques et rénales et traitement des
troubles hydro-électrolytiques (traitement symptomatique).
Les
intoxications par
les poissons d’Europe
L’ichtyosarcotoxisme
de type histaminique : intoxication par les Scombridés : Thons,
Bonites, Thazards, Maquereaux
Le terme d’ichtyosarcotoxisme est employé pour les
poissons qui contiennent dans leur chair, leur peau et leurs
viscères des
substances toxiques. L’intoxication est due à de
l’histamine thermorésistante produite par de
l’histidine décarboxylase de
bactéries (Clostridium, Escherichia, Salmonella, Shigella)
présentes dans la peau de ces poissons, tous riches en histidine
(1).
La transformation de l’histidine en histamine dépend du pH
ambiant, de la température et augmente si le poisson a
été insuffisamment préparé et mal
réfrigéré (>20°).
Le taux tissulaire d’histamine est considéré comme
un bon indicateur de la détérioration d’un poisson.
La teneur normale dans les maquereaux et les thons rouges frais est de
1 à 5 mg par 100 g de
muscle.
Des troubles sont possibles dès 20 mg par 100 g de muscle. Il y a une
sensibilité individuelle variable.
Les signes
cliniques, le diagnostic et le traitement C’est comme une réaction
allergique.
Le début est brutal et précoce, de quelques
minutes à trois heures :
- signes digestifs:nausées, vomissements, douleurs épigastriques,
- Signes cutanés:érythème et vasodilatation de la face, du cou,
urticaire géant, oedème des paupières,
- Autres signes : acouphènes et céphalées (2).
- Une hypotension, des lipothymies,
- un oedème laryngé et un bronchospasme sont possibles.
Le seul test diagnostic est le dosage de l’histamine dans le
poisson et chez le patient.
L’évolution est généralement bonne en 3 à 4 heures, parfois 8 à 16
heures.
Les corticoïdes et les antihistaminiques sont efficaces, le traitement
est le plus souvent symptomatique.
La prévention passe par la consommation du poisson fraîchement pêché ou
son stockage dans un endroit
réfrigéré.
Ichtyosarcotoxisme
de type Mullidae ou Mugillidae : Mulets, Mérous,
Demoiselles, Poissons Coffres, Poissons Chirurgiens,
Poissons Saupes
Ces poissons sont responsables de troubles hallucinatoires.
En
France cette intoxication est provoquée par la saupe (famille
des Sparidae, le poisson qui fait rêver). D’autres poissons
sont en cause dans les pays tropicaux (mulets, surmulets, poissons
chirurgiens, mérous, demoiselles, poissons coffres).
La toxicité
saisonnière
(juin à
août) Le facteur causal n’est pas
déterminé avec certitude.
Quelques minutes à 2 h après l’ingestion, apparaissent des sensations
de brûlure de la gorge et de l’oesophage, sensation de
décharge électrique, des nausées, un syndrome ébrieux, des
hallucinations visuelles et auditives, incoordination motrice, un
délire, une angoisse et des paresthésies.
La guérison survient en 24 h avec un traitement symptomatique
laissant persister un état dépressif et des
céphalées. Les phénomènes provoqués
sont dus à une toxine de nature inconnue présente dans la
chair ou le cerveau du poisson, son intensité dépend de
la sensibilité individuelle.
Le traitement est symptomatique.
Ichtyohémotoxisme
ou intoxication par les poissons ichtyo-hémotoxiques : Anguille
de l’Adriatique, Anguille d’Allemagne du Nord, Congres,
Torpilles, Lamproies, Murènes, Raies, Roussettes, Tanches, Thons,
Bonites
Le terme d’ichtyohémotoxisme est employé pour les poissons qui
contiennent dans leur sang une substance toxique qui affecte les
consommateurs. Peuvent également être atteints
ceux qui vident ou nettoient le poisson, se coupent ou se piquent avec
des instruments souillés de sang.
Thermolabile, la toxine est détruite par chauffage à 56°C pendant
15
minutes.
Les signes cliniques associent
- des signes
digestifs
(nausées, vomissements, diarrhées)
- des signes
neurologiques : disparition du sens du toucher,
- apathie,
convulsion,
paralysie du centre respiratoire bulbaire.
La toxine peut être
létale
à forte dose chez l’animal.
Le traitement est symptomatique.
Ichtyootoxisme
ou intoxication par les poissons ichtyootoxiques :Esturgeons,
Saumons, Brochets, Tanches, Carpes, Lottes
Le terme
d’ichtyootoxisme est employé pour les
poissons qui contiennent une toxine dans leurs gonades, dans la
laitance ou
dans leurs oeufs. Cependant la chair est comestible (4).
Les oeufs et la laitance d’Esturgeons, Saumons, Brochets,
Tanches, Carpes, Lottes sont souvent à l’origine de
manifestations gastrointestinales aiguës ou de troubles psychiques
passagers.
Le Barbeau, très commun en eau douce, peut provoquer un syndrome marqué
par une forte diarrhée, des crampes
musculaires, une tendance syncopale et une anurie transitoire. Ce
syndrome est connu sous le nom de « choléra des Barbeaux
».
Le Brochet commun
possède
des oeufs toxiques qui
contiennent un principe purgatif. La guérison survient en
quelques heures.
Le traitement est symptomatique.
Intoxications
liées aux
poissons tropicaux
Ichtyosarcotoxisme
de type ciguatera
La ciguatera est la forme la plus fréquente
d’ichtyosarcotoxisme : c'est une intoxication alimentaire
secondaire à la consommation de poissons possédant une ou
plusieurs toxines (de type ciguatoxine ou de type
maïtotoxine) dans leurs muscles, leurs viscères ou leur peau.
La ciguatera ou « gratte » sévit dans les
régions coralliennes situées entre les latitudes 35 N et
35 S (dont font partie Les Antilles, la Nouvelle- Calédonie, La
Polynésie française, Wallis et Futuna, La Réunion)
(3).
Incidence entre 7,8
à 500
pour 100 000 habitants dans les
Dom-Tom. Il existe 500 espèces de poissons tropicaux
incriminés dans cette intoxication ; et ces poissons sont
généralement bien connus des autochtones.
Les toxines synthétisées par un dinoflagellé
(phytoplancton) au cours d’agression du milieu naturel aquatique
(cyclone, travaux, pollution…) (5).
Les poissons herbivores mangent ce phytoplancton, puis les poissons
carnivores mangent ces poissons. Il y a concentration de la toxine au
fur et à mesure que l’on s’élève dans
la chaîne alimentaire et que le poisson est gros. L’homme
est au bout de cette chaîne alimentaire.
Ichtyosarcotoxisme de type ciguatera (2):
Le tableau clinique de la ciguatera
est polymorphe avec une
incubation variant de 2 à 20 heures
(6).
Il associe :
- Des signes
digestifs;
- Des signes
cardiovasculaires : bradycardie, hypotension,
- extrasystoles
ventriculaires, troubles de la conduction
auriculoventriculaire,
- parfois trouble
de
la
repolarisation, rarement un
- collapsus
cardiovasculaire entraînant le décès (0,1 à 1% des
cas).
- Des
signes neurologiques :
paresthésies des extrémités et autour de la
bouche, goût métallique, trouble de la sensibilité
thermique avec inversion des sensations de chaud et de froid, prurit
parfois sévère (gratte), ataxie, vertiges, myalgies,
arthralgies, rachialgies, confusion, convulsions, coma …
L’évolution est le
plus
souvent favorable sous traitement
symptomatique. Des paresthésies peuvent persister plusieurs
mois. Le traitement est symptomatique, il peut faire appel pour les cas
graves au Mannitol à 20% avec amélioration rapide des
signes neurologiques et digestifs (7). Le Mannitol 20% (solution de 20
g pour 100 ml) est alors utilisé à la dose de 1g/kg
à perfuser en 3 à 4 h, durant 24 à 48 h. Chez
l’enfant, on utilisera 0,25g/kg en perfusion de 3 à 6
heures. Les signes neurologiques régressent alors en quelques
minutes (7).
Ichthyosarcotoxisme
de type tetrodon :
La tétrodo-intoxication est provoquée
principalement par le Tétrodon (Poisson-lune, Poisson-ballon,
Fugu des
Japonais, par le Diodon -Poisson-hérisson- ) et par le Poisson-soleil
(4).
Ils ont tous la propriété d’accumuler de l’air
ou de
l’eau dans
leur oesophage au point de prendre une formesphérique. Ces
poissons
sont généralement peu
consommés dans les pays tropicaux où presque tout le
monde est informé des dangers qu’ils présentent.
Seuls les asiatiques et notamment les Japonais se délectent de Fugu.
Des négligences dans la préparation du
poisson occasionnent chaque année plus de 100 décès au Japon (3).
La tétrodotoxine est
très
puissante et agit en inhibant la transmission synaptique par blocage de
la libération
d’acétylcholine, d’où paralysie neuromusculaire.
Le début des signes cliniques
est
rapide : de 5 à 30 minutes
après l’ingestion.
Il est marqué par des paresthésies, un engourdissement
des extrémités, des vertiges, des sueurs, des troubles
gastrointestinaux, une dysphagie, des troubles respiratoires avec
dyspnée plus ou moins importante.
Des troubles de la sensibilité profonde peuvent se voir avec
disparition de la sensation de pesanteur : le sujet a
l’impression de flotter dans les airs, les réflexes
ostéotendineux sont abolis, une paralysie flasque s’installe, la
conscience est intacte.
En l’absence de traitement, le décès survient par paralysie
respiratoire. Le traitement des formes simples
est essentiellement symptomatique : rehydratation, lavage gastrique.
Pour les cas graves, une réanimation respiratoire
et cardio-vasculaire est nécessaire(3).
Ichthyosarcotoxisme
de type clupeidae ou Intoxication par les Clupeidés : Sardines,
Harengs, Sprats, Anchois
Le clupéotoxisme est dû à la présence
d’une toxine, la clupéotoxine, dans les viscères et
les muscles des poissons. Cette intoxication se rencontre
principalement dans les eaux tropicales (Caraïbes et Pacifique) et
les épidémies les plus sévères ont
été notées aux îles Fidji et dans les
Caraïbes (4).
Le malade perçoit dès le début un goût amer
ou métallique dans la bouche, parfois des dysesthésies au
niveau de la langue et des lèvres, des vertiges, voire des
convulsions. Des signes digestifs peuvent se voir avec nausée,
vomissements et diarrhée.
Le décès peut survenir rapidement.
Le traitement est symptomatique (3).
L’intoxication
par les Sélaciens : Murènes
L’intoxication
par
l’ingestion de la chair de Murènes peut être
responsable de formes graves. Parmi les cent espèces de
Murènes dénombrées, une dizaine sont connues pour
être vénéneuses. On les trouve dans le Pacifique et
aux Antilles.
Les symptômes apparaissent en
quelques minutes,
Surtout des troubles neurologiques comportant :
- Des convulsions,
- Des spasmes laryngés et des paralysies progressives.
- Un coma peut
apparaître.
- Le décès
survient
dans 10% des cas.
Dans les formes
simples,
les symptômes persistent une
dizaine de jours, et une convalescence de plusieurs mois est
nécessaire.
Le traitement est symptomatique.
L’intoxication
par les Sélaciens (2): Requins
L’intoxication
par la chair
et surtout le foie des requins, ressemble à la ciguatera. Parmi
les requins responsables, on note : le Requin des sables, le Grand
requin blanc, le Requin marteau, le Requin de lagon et le requin du
Groenland (4).
Les signes débutent rapidement,
dans la demi-heure qui suit l’ingestion
:
- Des signes
digestifs
des nausées, des vomissements, des
douleurs abdominales et une diarrhée intense.
- Des brûlures des
lèvres et de la bouche, des
fourmillements des extrémités, des sueurs froides et un
malaise général avec lourdeur des membres
s’installent ensuite, accompagnés de douleurs musculaires
diffuses et de crampes.
- La paralysie
respiratoire entraîne une dyspnée avec cyanose.
- Les troubles
visuels
ne sont pas rares.
- Des troubles
cardio-vasculaires peuvent se voir à type de
bradycardie, collapsus, OAP.
- Le décès est
rare.
Le traitement est
symptomatique.
Une intoxication collective en 1993 a été décrite
à Madagascar, impliquant 150 patients d’un même
village (35 patients comateux, et 15 décès) (8)
L’intoxication
par les Sélaciens (3): Roussettes
Les Roussettes,
Chien et
Chats de mer peuvent provoquer un
érythème généralisé très
prurigineux suivi de desquamation.
Le décès est possible.
Le traitement est symptomatique.
Conduite
à tenir devant une intoxication aux poissons
Le diagnostic est le
plus souvent évident devant l’apparition de signes
cliniques chez plusieurs personnes d’une même famille ayant consommé du
poisson dans les 24 heures et
présentant des signes digestifs, neurologiques,
cardio-vasculaires ou cutanées allergiques.
Le diagnostic paraclinique passe par une analyse toxicologique des
restes du poisson, ces dosages sont très coûteux
disponibles seulement dans certains grands laboratoires (se renseigner
auprès du biologiste de l’hôpital ou du centre
anti-poison). Un
test bon marché est disponible pour le diagnostic de la
ciguatera. Ce test est vendu par la société Oceanit Test
System Inc. Les renseignements sont disponibles sur le site
www.cigua.com
Souvent, la clinique, l’espèce du poisson et la provenance
permettent d’orienter le diagnostic (cf. tableaux).
Le traitement est le plus souvent symptomatique : diète,
hydratation, correction des désordres
hydro-électrolytiques pour les formes simples, réanimation
cardio-vasculaire et
respiratoire pour les formes graves évoluées. Les
traitements spécifiques sont rares : Mannitol dans le cadre de la
ciguatera(7).